
01/07
Conférence de Charles RAMOND
Conférence CPGE autour du thème « Individu et communauté » : regards croisés entre littérature, philosophie et société. Un temps de réflexion pour nourrir la pensée critique des étudiants.
Thomas BELLON, spé PSI*
Introduction : la notion d’individualité chez Spinoza
- Spinoza définit les individus comme des entités composées d’autres individus, liées par un « rapport fixe » de mouvement et de repos entre leurs parties. Ce modèle s’applique non seulement aux corps humains, mais aussi à l’univers, aux phénomènes naturels et aux corps politiques.
- L’identité individuelle reste intacte malgré la nutrition, la croissance ou les mouvements dans l’espace, tant que ce rapport fixe est maintenu.
- Cependant, la distinction entre « tout » et « parties » est purement relative dans l’immanentisme de Spinoza : tout est en interaction constante dans la Nature.
Difficultés liées à la notion d’individualité
- Spinoza ne définit pas clairement où commence ou finit un individu dans ce continuum interactif.
- Cette difficulté est accentuée par l’idée que nos pensées et désirs sont souvent influencés par des éléments extérieurs, soulignant la porosité entre l’intérieur et l’extérieur.
Critique de la lecture de Matheron
- Alexandre Matheron, dans Individu et communauté chez Spinoza, propose un modèle en trois étapes pour comprendre l’individualité et la communauté :
- Séparation: chaque individu agit dans un univers concurrentiel.
- Unification externe: les individus se combinent pour former des ensembles organisés.
- Unification interne: l’individu devient conscient et agit dans un univers intériorisé.
- Ramond critique cette interprétation, car elle introduit une distinction entre intériorité et extériorité, qu’il considère difficilement compatible avec l’immanentisme spinoziste.
Politique et légalité chez Spinoza
- Spinoza met l’accent sur la pérennité des régimes politiques. Toute « sédition » est vue comme une menace à cette stabilité.
- Le Traité Théologico-Politique explore les causes des révoltes (superstitions, manipulation par des prêtres) et propose la liberté de pensée comme remède à ces divisions.
- L’obéissance à la loi est centrale dans sa vision politique, car elle garantit la paix et l’ordre public.
Le salut par l’obéissance
- Spinoza affirme que l’Écriture n’impose aucune croyance théorique, mais enseigne une « règle de vie » pratique. Ce salut par l’obéissance ne nécessite pas de foi, mais repose sur des comportements conformes à cette règle.
- La séparation entre foi et raison permet à chacun de vivre en harmonie avec la société, sans dépendre de dogmes religieux.
Spinoza : révolutionnaire ou légaliste ?
- Certains, comme Antonio Negri, décrivent Spinoza comme un philosophe révolutionnaire, valorisant la « puissance » (potentia) de la multitude contre le « pouvoir » (potestas) des institutions.
- Ramond conteste cette interprétation, soulignant que Spinoza ne différencie pas fondamentalement ces concepts et prône une politique légaliste et conservatrice.
- Pour Spinoza, le droit naturel et la liberté sont toujours subordonnés à la stabilité de l’État.
Rébellion et persévérance
- Spinoza condamne les séditions fomentées par la haine ou la superstition. Cependant, il valorise la résistance face à l’injustice, qu’il associe à des figures courageuses comme le Christ ou Socrate.
- La persévérance dans son être (conatus) constitue une vertu fondamentale, même si elle peut paraître subversive.
La démocratie chez Spinoza
- La démocratie spinoziste repose sur une « loi du compte », où les préférences individuelles sont comptabilisées pour établir la volonté collective.
- Contrairement aux visions républicaines fondées sur des valeurs transcendantes, Spinoza défend une démocratie purement procédurale, immanente et égalitaire.
Conclusion de Ramond : la cohérence immanente du spinozisme
- Spinoza rejette toute transcendance, qu’elle soit morale ou théologique, au profit d’un système intégralement immanent.
- La démocratie qu’il propose ne vise pas à éduquer les individus pour qu’ils adoptent des valeurs, mais à organiser leurs préférences individuelles en une loi commune.
- La philosophie de Spinoza met en avant l’obéissance à la loi comme condition de la liberté et de la stabilité, tout en laissant place à une résistance légitime face aux injustices.
Thomas BELLON, spé PSI*